La désignation d'un délégué syndical

La désignation d’un délégué syndical dans une entreprise de moins de 50 salariés contraint-elle l’employeur à engager les négociations obligatoires (NAO) notamment sur les salaires ?

Elle le peut, mais elle ne suffit pas.

La petite histoire :
Une entreprise de moins de 50 salariés n’a pas contesté, dans le délai de 15 jours, la désignation, par un syndicat local, d’un salarié en qualité de délégué syndical alors que ce dernier s’était présenté au second tour (sans étiquette syndicale) des dernières élections des membres du CSE sur le mandat de suppléant. La désignation en qualité de DS pouvait donc être parfaitement contestée car elle ne respectait pas les conditions légales de désignation d’un délégué syndical dans l’entreprise.

Pour rappel :
L’article L.2143-6 du Code du travail précise « Dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l’établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. (…) ».

Pour être représentatif, le syndicat doit remplir plusieurs critères de représentativité :
Article L2121-1 du code du travail :
« La représentativité des organisations syndicales est déterminée d’après les critères cumulatifs suivants :
1° Le respect des valeurs républicaines ;
2° L’indépendance ;
3° La transparence financière ;
4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;
5° L’audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; c’est-à-dire avoir obtenu 10% des suffrages au 1er tour des dernières élections des titulaires au CSE
6° L’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience ;
7° Les effectifs d’adhérents et les cotisations. »

Par ailleurs, la Cour de Cassation est venue préciser à plusieurs reprises que seul un membre titulaire du CSE disposant d’un crédit d’heures peut être valablement désigné DS dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Le syndicat local n’avait, donc, aucune légitimité à désigner un DS au sein de l’entreprise. Mais la désignation étant survenue en plein été, l’entreprise peu vigilante en cette période de congés, n’a pas contesté la désignation dans le fameux délai.

Conséquence de l’absence de contestation de la désignation : le mandat de délégué syndical est valide, quand bien même les conditions légales initiales ne sont pas remplies. L’absence de contestation purge de tout vice le mandat. Il est de jurisprudence constante qu’en l’absence de contestation de la désignation du DS par l’employeur, le mandat de DS produit tous ses effets jusqu’au terme de celui de représentant à la délégation du CSE. Le délégué syndical a réclamé la mise en œuvre des négociations obligatoires notamment sur les salaires, alors que l’employeur souhaitait prendre une décision unilatérale sur le sujet.

La législation sur le manquement à l’obligation de négocier :
Dans les entreprises où la NAO est obligatoire, le défaut d’engagement, par l’employeur, des négociations préalablement à la mise en œuvre d’une décision éventuellement unilatérale peut être lourd de conséquences, puisqu’il est sanctionné de la manière suivante :
– Sanctions de l’Urssaf :
Diminution de 10% de la réduction Fillon lorsqu’il s’agit du 1er manquement de l’employeur à la NAO constaté au cours des 6 dernières années. Diminution de 100% de la réduction Fillon lorsqu’un manquement a déjà été constaté au cours des 6 années précédentes
– Sanctions pénales, délit d’entrave :
1 an d’emprisonnement
3 750 € d’amende

Il est, donc, essentiel pour l’employeur de pouvoir se positionner sur l’obligation, ou non d’engager la négociation, préalablement à la mise en œuvre de sa politique salariale.

Ce que prévoit le code du travail sur la négociation obligatoire :
L’article L.2242-1 du Code du travail dispose :
« Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage au moins une fois tous les quatre ans :
1° Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise ;
2° Une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail. »

L’article L.2242-13 du code du travail prévoit quant à lui :
« A défaut d’accord prévu à l’article L. 2242-11 ou en cas de non-respect de ses stipulations, l’employeur engage, dans les entreprises mentionnées à ce même article :
1° Chaque année, une négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la présente section ; »

Les communications de l’administration, de quelques doctrines, et d’organisations syndicales, font, semble-t-il, parfois une interprétation extensive du texte et englobent dans le champ de la négociation obligatoire, les entreprises qui ont un délégué syndical, supposant ainsi la reconnaissance de l’existence d’une section syndicale.
Du fait de cette position, quelques URSSAF ont redressé un certain nombre d’entreprises, leur appliquant les sanctions prévues en cas de manquement à l’obligation de négocier sur les salaires.
Toutefois, dans un arrêt du 30 mai 2017, la Cour d’appel de LIMOGES a eu à se prononcer dans un contentieux opposant une entreprise de moins de 50 salariés qui disposait d’un délégué syndical, à l’URSSAF qui avait supprimé les allégements et réduction Fillon dont elle avait bénéficié et l’avait redressée en remboursement au motif du défaut de négociation sur les salaires. L’URSSAF soutenait que la présence d’un délégué syndical dans l’entreprise vaut reconnaissance d’une section syndicale.

La Cour d’appel de LIMOGES a annulé le redressement opéré par l’URSSAF au motif justement que si la désignation d’un délégué syndical peut être le signe de l’existence d’une section syndicale, elle n’en est pas nécessairement le corollaire puisque, d’une part, la désignation d’un DS n’est pas subordonnée à l’existence d’une section syndicale, et selon l’article L. 2142‐1 du Code du travail, pour constituer une section syndicale, il doit être justifié de la présence d’au moins deux adhérents au sein de l’entreprise.
En effet, l’article L2142-1 du Code du travail prévoit que :
« Dès lors qu’ils ont plusieurs adhérents dans l’entreprise ou dans l’établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise concernée peut constituer au sein de l’entreprise ou de l’établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l’article L. 2131-1. »
Une section syndicale ne peut, donc, être constituée que lorsqu’il y existe au moins 2 adhérents au sein de l’entreprise. Pour contraindre l’entreprise à la NAO, il revient au préalable au syndicat d’établir qu’il a valablement constitué une section syndicale dans l’entreprise.